« Mais alors ils s'en allaient, dansant dans les rues comme des clochedingues, et je traînais derrière eux comme je l'ai fait toute ma vie derrière les gens qui m'intéressent, parce que les seules personnes qui existent pour moi sont les déments, ceux qui ont la démence de vivre, la démence de discourir, la démence d'être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller ni sortir un lieu commun mais qui brûlent, qui brûlent, pareils aux fabuleux feux jaunes des chandelles romaines explosant comme des poêles à frire à travers les étoiles et, au milieu, on voit éclater le bleu du pétard central et chacun fait: "Aaaah!" Mais pour l’heure ils dansaient dans les rues comme des dingodadets, et je me traînais tel un boulet derrière eux, comme je l’ai fait toute ma vie après les gens qui m’intéressent, parce que les seuls êtres pour moi sont les déments, ceux qui sont barjots, pour pouvoir vivre, illuminés quand ils parlent, déjantés, pour ne pas sombrer, désireux de tout en même temps, ceux qui jamais ne bâillent ou ne débitent un lieu commun, mais qui brûlent, brûlent, brûlent, jaunes comme les fabuleuses chandelles romaines et éclatent à travers les étoiles en des explosions tentaculaires de feu d’artifices, et au beau milieu, vous voyez le bleu de l’apothéose et tout le monde fait « Aaaaaaaah ! »
- Jack Kerouac
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